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Crise Rabat-Paris : et si le Maroc se détournait de la France?

L’une des toutes premières conséquences du dysfonctionnement constaté de la justice française à l’encontre du Maroc survenus la semaine dernière est sans conteste le climat de défiance qui s’est peu à peu installé au sein du peuple marocain, conduisant des milliers de manifestants à protester devant la résidence de France à Rabat. Un fait totalement inédit qui fait office de coup de tonnerre dans des relations qui avaient  connus peu de nuages depuis plus de vingt ans.

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Pour beaucoup de marocains,  l’attitude cavalière de la police française- qui a tenté de convoquer judiciairement  le chef du contre-espionnage, Abdellatif Hammouchi , jusque au sein de la résidence diplomatique de l’ambassadeur- comportait des « ersatz aux relents néo-colonialistes »  qui ont profondément blessé dans leur chair les promoteurs d’un partenariat franco-marocain équilibré, basé sur la confiance mutuelle et le respect.

Pour certains fin connaisseurs de la relation entre les deux pays , le  bel édifice France-Maroc aurait subi une « fissure profonde » avec cette affaire, qu’il conviendra de combler en créant les conditions du rétablissement de la confiance du Maroc envers la France. Ceci passe, selon Rabat, par « la garantie que les procédures seront désormais respectées à la lettre et dans l’esprit, et ce quel que soit le ressortissant marocain concerné ». Faute de cette clarification nécessaire, il est utile de se pencher sur les conséquences en matière bilatérale d’un éventuel « boycott »  des déplacements vers la France des responsables marocains, évoquée par certaines sources fiables à Rabat.

En effet, il est légitime de se poser la question de savoir qui aurait le plus à perdre si la relation venait à se dégrader encore plus ?  Et si le Maroc faisait une croix sur la France ?

Sur le plan économique, la France est le premier partenaire commercial du Maroc, mais le solde de la balance commerciale est très largement en faveur de l’hexagone. Le Maroc achète en effet TGV, tramways, frégates et autres biens industriels majoritairement de France, à travers notamment de la commande publique. Un ralentissement de ces achats par le Maroc, voire un détournement de ces derniers envers d’autres fournisseurs comme le Canada,  aurait une conséquence  drastique sur la vitalité des exportations françaises vers le Maghreb dans son ensemble, à un moment particulièrement tendu pour l’économie française.

Au niveau de la coopération institutionnelle, nul besoin de rappeler ici combien les échanges franco-marocains sont riches et bénéficient aux deux pays. Responsables marocains et français travaillent étroitement ensemble à quasiment tous les niveaux. Enfin, c’est probablement  au  niveau sécuritaire que le développement d’une attitude non-coopérative de la part du Maroc aurait des résultats catastrophiques. La Maroc est un pays clé dans la lutte contre les mouvances extrémistes transnationales, et la Direction Générale de la Surveillance du Territoire (DGST) , pilotée par Abdellatif Hammouchi a toujours été en pointe dans la gestion du risque sécuritaire. A ce titre, que ce haut responsable refuse désormais de se rendre en France ou de coopérer avec son homologue impacterait d’autant la qualité de la collaboration entre leurs deux services. C’est pourquoi certaines voix, notamment à Rabat mais aussi de plus en plus à Paris ;  appellent à une clarification rapide du cadre judiciaire entre les deux pays, afin de s’assurer que le Maroc ne se détourne pas de la France. Car c’est bien elle, in fine, qui aurait probablement le plus à perdre si la tension venait à s’installer dans la durée.

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